Basel, Fasnacht 2022. Foto/Photo: TES.

Le carnaval de Bâle et la Suisse

Le 28 février 2020, le Conseil fédéral et le canton de Bâle-Ville, ont décidé, suite à la propagation de la pandémie de coronavirus, d’annuler le carnaval de Bâle (Basler Fasnacht), l’un des plus célèbres d’Europe, qui devait se tenir du 2 au 5 mars 2020. Pour les mêmes raisons, l’édition 2021 a également été annulée.

Enfin, le 7 mars 2022, le coup d’envoi des festivités a été donné avec le traditionnel Morgenstreich, vorwärts marsch ! (en avant, marche !). A 4 heures du matin précises, les lumières se sont éteintes et le son des piccolos et des tambours des formations s’est soudain élevé dans toutes les rues.

Alors que la ville était plongée dans l’obscurité, seules les nombreuses lanternes, portées ou tirées par les carnavaliers, éclairaient la scène et illuminaient de leurs reflets les milliers de spectateurs venus du monde entier pour vivre cet instant magique.

Cette année, en l’absence pour raison de Covid 19, des cortèges en journée et du défilé des Guggenmusik, les cliques pouvaient déambuler spontanément dans les rues du centre-ville.

Le carnaval de Bâle vous transporte dans l’univers d’un carnaval pas comme les autres, qui se nourrit d’instruments uniques en leur genre, d’une immense créativité et de performances artistiques d’exception. Des thèmes de politique sociale, des anecdotes et des faits d’actualité y sont traités d’une manière typiquement bâloise : avec fierté, un humour mordant et une pointe d’ironie.

Comme d’habitude ? Non, loin de là ! Cette fois, ce n’est pas le coronavirus mais une agression au cœur de l’Europe qui fait parler d’elle. Cet acte est surréaliste, tout comme le sont les mascarades du carnaval de Bâle.

Et, ce qui était encore impensable il y a peu est malheureusement devenu une amère réalité et une nouvelle défaite pour l’Europe après les guerres déjà presque oubliées des Balkans (1991-1999) et le massacre de 196 citoyens néerlandais le 17 juillet 2014 alors que l’avion dans lequel ils se trouvaient a été abattu par les mêmes auteurs.

Les habitants désespérés, accablés et désemparés du pays européen au drapeau bleu et jaune étaient encore présents sur la place du Marché (Marktplatz) de Bâle, la veille du carnaval.

Quelques heures plus tard, la mélodie de la marche Morgenstraich, vorwärts marsch ! (en avant, marche !) a retenti, comme d’habitude.

La plupart des dirigeants européens et se cachent encore derrière un masque de paroles dures et de déclarations symboliques, voire cyniques, de soutien à un pays européen souverain, redoutant qu’une exclusion du pays qui mène cette attaque nuise à l’Europe.

Les protagonistes se tirent d’affaire parce que le commerce, la lâcheté et le manque de perspicacité prévalent encore. Le crocodile va être encore plus affamé. A cela, aucune mascarade ne saurait être une réponse. C’est clair depuis des décennies.

Cela dit, revenons au carnaval de Bâle. C’est un événement festif, comme tout carnaval, et dure trois jours. Cependant, englobant les traditions, il se distingue par son caractère typiquement suisse.

Des personnes de tout âge, rang social, origine et convictions politiques participent activement à cette fête, qui attire près de 200 000 visiteurs. Un grand festival dans un petit canton. Et ce, sans même parler de la distinction entre le Petit-Bâle et le Grand-Bâle.

Le carnaval de Bâle est empreint du savoir-faire suisse, soit une bonne organisation, une prestation professionnelle donnée par les amateurs, un niveau culturel élevé, un grand attachement à sa propre communauté et à ses traditions, tout en étant ouvert aux changements et aux adaptations, avec un intérêt pour les autres sociétés, l’étranger et l’obligation du respect mutuel.

Le secret bancaire séculaire, tant décrié, trouve son fondement non seulement dans les textes légaux, mais également dans ces dispositions et surtout pas dans le stockage d’argent sale, particulièrement après 1940.

Pourtant, le proverbe Pecunia non olet (l’argent n’a pas d’odeur) vaut aussi, malheureusement, pour les banques suisses, qui ne sont pas l’exception, mais plutôt la règle dans ce domaine.

Rien ne caractérise mieux la modestie et la simplicité du carnaval de Bâle que ces deux carnavaliers à vélo aperçus dans le centre de Bâle.

Rédaction et révision: Marianne Wyss, écrivain public et traductrice.