L’européanisation de la Suisse

L’Europe

L’Europe est un nom donné par les Grecs à un continent qui s’étend de l’Oural à l’est à l’Irlande à l’ouest (l’Islande se situe en Europe plus au nord-ouest que l’Irlande mais n’a pas adhéré à l’UE), et de la Scandinavie au nord à l’Italie au sud.

Les sociétés, les cultures et les langues du continent ont toujours été très différentes. Les Grecs et les Romains furent les premières civilisations à introduire la culture urbaine, écrite et dite « la haute culture ».

L’origine

Ses origines se situent au Moyen-Orient, dans la région entourant l’Iran, l’Irak, l’Égypte et la Méditerranée. Avant l’arrivée des Romains et des Grecs, l’Europe était un monde de chasse et d’agriculture.

Le Moyen Age

Après la chute de l’Empire romain (occidental) en 476, l’Europe ne sera plus jamais la même. L’Empire byzantin, appelé aussi l’Empire grec a maintenu vivante l’idée d’une Europe unie et constitua la continuation directe de l’Empire romain.

L’Europe latine a été caractérisée par une fragmentation politique, un déclin marqué du paysage urbain et la perte de la culture romaine écrite. Une élite d’aristocrates (et d’évêques) dominait la population, surtout des paysans.

Ils ont cultivé un réseau de loyauté et d’alliances qui ont servi de base aux relations de pouvoir politique. Cependant, la nouvelle classe du clergé, des moines, des évêques et des papes constituait une innovation.

Le patrimoine culturel

Tous fonctionnaient au sein d’un réseau d’institutions (abbayes bénédictines, monastères, églises, diocèses) avec le premier évêque de Rome comme successeur religieux des empereurs romains séculiers.

La réputation de Rome était, elle aussi, toute nouvelle. Les abbés, les évêques et le Pape deviendront un facteur séculier, économique, social et militaire de plus en plus important.

Le patrimoine culturel de l’Europe latine était un mélange de culture germano-franconienne et romaine, la culture latine étant la langue franque (lingua franca) de la science et de l’église et un réseau (rudimentaire) de routes, villes et réseaux commerciaux.

L’Europe latine

L’Europe latine du début du Moyen Âge (environ 400-800) était caractérisée par une faible mobilité régionale transfrontalière, bien que les réseaux commerciaux n’aient jamais complètement disparu (les commerçants frisons (païens) et scandinaves (païens), dans le nord, par exemple, et les réseaux commerciaux en Suisse, en Allemagne du Sud, en France et dans la Méditerranée).

L’Empire carolingien

L’Empire carolingien (IXème siècle) et le Saint-Empire romain (Xème-XIIème siècles) ont ouvert la voie à une société européenne intensément dynamique, y compris les territoires conquis à l’est du continent et la christianisation des peuples scandinaves aux Xème et XIème siècles.

XIIème – XIVème siècles

A partir du XIIème siècle, la population augmente rapidement, l’urbanisation et la commercialisation restructurent la vie économique et sociale, les instruments bancaires et financiers sont introduits et avec ça les crises financières.

Avec la découverte de manuscrits anciens, le mode de pensée a changé, des universités ont été créées, le système juridique s’est développé (avocats, juges, fonction et rôle de la juridiction), les représentations (Conseil des Etats, Parlement), la bureaucratie, les finances, le commerce international et les réseaux des XIIIème et XIVème siècles.

Il y avait un patrimoine culturel commun, l’art (roman, gothique), l’église, l’architecture et l’utilisation du latin ne sont que quelques exemples de cette européanisation de l’Europe.

La Suisse

La Suisse n’est pas différente des autres régions européennes. En Suisse, il y avait de nombreuses unités politiques. Les familles nobles et leur domination (Habsbourg, Kybourg, Savoie, Zähringen et de nombreux dirigeants locaux) ont disparu en trois siècles (de la fin du XIIIème siècle au début du XVIème siècle) et les citoyens des villes et des municipalités souveraines  (Landsgemeinde) étaient les principaux acteurs politiques.

La Suisse se trouvait au cœur de l’Europe latine. Il fallut des siècles après les premières alliances plus étendues aux XIIIème et XIVème siècles pour qu’en 1848, la Suisse devienne un Etat fédéral avec une Constitution, une monnaie, une politique étrangère et une armée, mais toujours avec trois, puis quatre langues, des cultures, des religions et des traditions, sans compter les nombreuses différences locales précisément sur le plan culturel.

On pourrait dire que la Suisse est européanisée et que cette unité politique montre aussi les limites de l’idée d’un continent européen politiquement, économiquement et monétairement uni.

(Source: R. Bartlett, The Making of Europe. Conquest, Colonization and Cultural Change 950-1350 (Londres 1993).

Un ancien état fédéral

La Suisse est le deuxième plus ancien Etat fédéral après les Etats-Unis. La constitution fédérale de 1848 est étroitement inspirée de celle des Etats-Unis (rédigée en 1787).

Les Cantons

Les cantons (le peuple masculin) ont décidé en 1848 de céder une partie de leur souveraineté au gouvernement fédéral.

La plupart des cantons ont une histoire qui remonte au Moyen Âge et au début du XIXe siècle. Seul le Jura (1979) a été créé au XXe siècle. Il y a 26 cantons aujourd’hui.

Les cantons de Genève, Vaud, Jura et Neuchâtel sont francophones, Berne, Valais, Fribourg sont bilingues, le Tessin (Ticino) est italophone, les Grisons compte trois langues officielles (allemand, romanche, italien) et l’Argovie, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Zurich, Schaffhouse, Thurgovie, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures, Saint-Gall, Nidwald, Uri, Glaris, Lucerne, Obwald, Zoug, Schwyz et Soleure sont germanophones.

La carte religieuse est beaucoup plus compliquée et les divisions entre catholiques et protestants ne sont pas liées à la différenciation linguistique.

Les catholiques constituent la principale communauté confessionnelle, suivis des protestants. Les deux communautés religieuses sont reconnues de droit public, excepté dans les cantons de Genève et Neuchâtel, qui sont laïcs.

Dans les autres cantons un traitement préférentiel est donné à une Eglise (catholique chrétienne, catholique romaine, évangélique réformée).

Il y a six demi-cantons. Obwald et Nidwald, l’Appenzell protestant des Rhodes-Extérieures et l’Appenzell catholique des Rhodes-Intérieures (1597) et Bâle-Ville et Bâle-Campagne (1833). Ces cantons n’ont qu’un seul siège au Conseil d’États au lieu de deux.

Les 26 cantons ont un degré élevé d’indépendance. Chaque canton a sa propre constitution et son propre parlement, gouvernement et ses propres tribunaux.

La démocratie directe sur la place publique (Landsgemeinde) existe toujours en Appenzell Rhodes-Intérieures et à Glaris. Dans les autres cantons, le vote s’effectue – de nos jours – par correspondance, par dépôt dans une boîte ad hoc installée auprès des autorités ou à l’urne.

Au niveau local, il y a environ 2 200 municipalités, les plus petites unités politiques du pays.  Le degré d’autonomie des communes est déterminé par les différents cantons et varie d’un endroit à l’autre.

Comment peut-on gouverner un pays aussi divisé ? Le secret n’est pas seulement l’élection directe tous les quatre ans des 200 membres du Conseil fédéral et des 46 membres du Conseil des Etats.

Décentralisation, démocratie directe et Confédération

La réponse est la décentralisation, la démocratie directe, la reconnaissance constitutionnelle des langues, des cultures et la transparence des débats publics, favorisée par le système des référendums et des initiatives populaires.

Ce concept conduit à la bonne gouvernance, à la légitimation des décisions et à la participation des citoyens.

La Suisse est un pays multiculturel qui compte environ 8 400 000 habitants, dont 20 % d’étrangers.

Un bon système d’éducation, une société civile et un système juridique bien développé, une longue tradition démocratique, l’absence d’un pouvoir politique central dominant et un système social, monétaire et économique solide sont les bases de son succès.

Le pays n’est ni à l’abri ni exclu des défis (mondiaux et européens), mais ses citoyens sont toujours là pour contrôler et (re)vérifier les décisions prises par les dirigeants fédéraux, cantonaux et locaux et leurs folies, la corruption et les systèmes de patronage et clientélisme.

(Source : La Confédération en bref, Berne 2015).