Bild: Verlag Ester & Salis, Zürich

L’éléfant de l’ombre en romanche

Soit une masse bleue énorme, de dos, de face, de profil, couchée, assise, avec juste ce qu’il faut d’ombres grises et d’orteils au bout des pattes pour dessiner les rondeurs d’un éléphant. c’est lui, l’éléphant de l’ombre, lui et son chagrin immense ! Comment le sortir de cette peine incompréhensible ?

Les animaux de la jungle tentent de l’extraire de cette situation en « racontant une histoire rigolote »… C’est le singe qui essaie le premier. Exit le singe, arrivent les sœurs autruches en troupe ordonnée. Les sœurs autruches, la mine basse, s’en retournent et laissent la place au crocodile, grand commis avec son allure de maître d’hôtel qui, après la rigolade, tente la gourmandise.  Un instant, on croit que l’éléphant va se laisser tenter mais, le plat renversé, le crocodile repart et l’éléphant nous présente son dos. On le sent pesant, désolé, inconsolé.

C’est alors qu’arrive une petite souris. Dans un tête-à-tête d’abord muet s’installe un dialogue. L’album, silencieux jusqu’ici, laisse toute la place à la tristesse de la souris. Miracle, l’éléphant est touché par son histoire, on perçoit son intérêt : il s’est redressé, il regarde la petite et le jeu entre les tailles, la symétrie des personnages, font naître l’émotion.

Lorsqu’ils partent ensemble dans la confiance de l’amitié, le comique des situations précédentes fond devant la présence forte et fragile du lien noué. Un bel album sur l’amitié, graphiquement fort dans le jeu des couleurs et des formes, une composition magistrale des images et une histoire qui entraîne une réflexion sur les liens interpersonnels et les inclinations du cœur.

(Nadine Robert (Texte), Valerio Vidali (Illustrations), l’éléfant de l’ombre, Lausanne 2020)