Le Pont d’Aël avec l'inscription. Photo: www.aostanews24.it

Un entrepreneur de Padoue, Italie

Le Piémont fut colonisé par Rome à plusieurs reprises au cours du 1er siècle av. J.-C. L’époque romaine est celle qui a laissé, dans cette région, les plus importantes empreintes archéologiques comme, par exemple, le Pont d’Aël, situé près du hameau éponyme.

L’imposant pont-aqueduc émerveille encore aujourd’hui par son exceptionnel état de conservation et son effet remarquable sur le paysage.

Il s’agit d’un prestigieux ouvrage à une seule arcade qui franchit la rivière Grand-Eyvia, haut d’environ 56 mètres et long de plus de 50 mètres, réalisé en maçonnerie et en blocs de pierre de taille.

Conçu pour endosser un double rôle, ce monument a été doté d’un double passage : sa partie supérieure est une conduite d’eau, dont le fond a été revêtu de grandes dalles en pierre et rendu étanche par un mortier hydraulique approprié, alors que sa partie inférieure consiste en un passage aéré et éclairé, dont la largeur d’environ un mètre permettait le transit des hommes et des animaux.

Une inscription placée au-dessus de la clé de voûte, sur la façade nord de monument permet de dater sa construction au IIIème siècle avant J.-C. et de l’attribuer à Caius Avillius Caimus, originaire de Padoue (Italie), membre d’une riche famille vénitienne liée au domaine du bâtiment et du traitement des matières premières, particulièrement des pierres et des métaux.

Le pont-aqueduc fut certainement construit pour procurer l’eau nécessaire à l’extraction et à la transformation du marbre bardiglio des carrières d’Aymavilles, largement utilisé durant la période romaine pour l’édification de bâtiments dans la ville d’Aoste.

Les récents travaux de recherche et de rénovation entrepris sur le site de Pont d’Aël ont porté sur des fouilles archéologiques, la restauration du monument et la valorisation du bâtiment, ainsi que la réalisation d’un parcours de visite.

L’épigraphe présente sur le côté septentrional du monument nous donne des informations sur le constructeur : IMP CAESARE AUGUSTO XIII COS DESIG C AVILIUS C F CAIMUS PATAVINUS PRIVATUM dont voici la traduction intégrale : « Au temps où l’empereur César Auguste fut nommé consul pour la 13ème fois, Caius Avillius Caimus de Padoue, fils de Caius, a construit ce pont avec des moyens privés ».

Les fouilles effectuées ont permis d’obtenir des informations supplémentaires sur la conduite d’eau, les méthodes de fondation du pont-canal et le passage couvert.

Les entrées ont une arche ronde et un seuil avec des renforcements quadrangulaires près des jambages, recevant les charnières.

Le terme juridique PRIVATUM, gravé en majuscule sur la dalle de pierre centrale à cheval sur les deux autres, indique une propriété privée, qui le distingue des 32 autres aqueducs, grandioses ouvrages publics construits pour porter l’eau à la ville qui ont caractérisé l’expansion de l’Empire romain. Ainsi, le pont d’Aël n’était pas accessible à tout un chacun.

L’enlèvement des dépôts de terre qui remplissaient le pont jusqu’à la hauteur des deux entrées, accumulés intentionnellement à une date ne pouvant être précisée, a permis d’acquérir des données intéressantes sur la technique de construction du monument.

Le pont est divisé par des cloisons murales, perpendiculaires aux murs intérieurs, qui définissent des espaces fonctionnels pour alléger la structure.

La présence d’une scie le long des deux murs intérieurs suggère l’existence d’une planche de bois qui permettait le transit sur les deux rives et, peut-être par des écoutilles, d’inspecter la structure.

L’ancienne route romaine offrant l’accès au pont sur la rive droite, taillée dans la roche, a aujourd’hui été partiellement intégrée à une passerelle en acier, qui permet aux visiteurs ayant accompli un itinéraire circulaire de rejoindre le centre d’accueil.

(Source : S. Vittoria e.a., Pont d’Aël, Aosta 2014).

Rédaction et révision: Marianne Wyss, écrivain public et traductrice.