Le Mormont, au pied du Jura. Photo/Foto: W. Dusan (red.), Le Mormont. Un sanctuaire des Helvètes en terre vaudoise vers 100 avant J.-C., Lausanne 2009).

Un sanctuaire celtique sur la colline du Mormont

En février 2006, le cimentier suisse Holcim a fait ce qu’il fait depuis des décennies : extraire la chaux des montagnes et des collines pour fabriquer du ciment.

Sur la colline du Mormont, qui se dresse au-dessus des villages d’Eclépens et de la Sarraz, entre Yverdon-les-Bains et Lausanne (canton de Vaud), a été mis à jour l’un des plus grands sites archéologiques suisses datant de l’âge du fer (750-50 avant J.-C.), lors d’un nouveau secteur d’exploitation de la carrière du producteur de ciment.

Il s’agit d’un lieu de culte Helvète, unique à ce jour en Gaule et susceptible d’apporter bon nombre d’éléments nouveaux sur la culture de nos ancêtres celtes.

Après la découverte de maisons sur pilotis et de villages celtiques à La Tène, près de Neuchâtel, la colline du Mormont est le deuxième site archéologique important en Suisse de cette époque, révélant une présence celtique, présence également attestée dans de nombreux autres endroits par des reconnaissances plus modestes.

Le site de la colline du Mormont est un sanctuaire où ont été trouvés de nombreux ossements animaux et humains et de multiples objets.

On pense que les Helvètes, peuple celte, se sont aussi établis, outre sur le Plateau suisse, dans cette région. Les autres tribus présentes sur le territoire suisse actuel furent les Rhètes qui sont installés à l’est dans les Grisons, les Lépontiens, les Ubères, les Nantuates, les Sédunes et les Véragres dans la région alpine et le sud de la Suisse, et les Rauraques dans certaines parties du nord du Jura, vers Bâle et dans le canton de Bâle-Campagne.

Depuis 2006, environ 200 fosses et sites sacrificiels ont été découverts. Il s’agit de centaines de personnes (des hommes, des femmes et des enfants), des restes d’environ 460 animaux (des vaches, des chevaux, des volailles, des cochons, des moutons, un loup, un cerf, un ours, un âne) et de nombreux autres objets utilitaires, de combat et religieux, notamment des haches, des épées, des anneaux, des ciseaux, des couteaux, des pièces de monnaie romaines – datant de l’époque de la République romaine jusqu’en 44 av. J.-C. – et celtiques, des céramiques, des pierres, du fer, des os, du bronze, du verre, des meules pour le grain, du bois.

Des investigations sont, entre autres, entreprises sur les causes de la mort des personnes, certains squelettes ayant été retrouvés décapités selon une coutume celte réservée à l’ennemi conquis, d’autres brûlés et d’autres intacts, les maladies et l’alimentation. Les chercheurs souhaitent aussi en connaître davantage sur le monde des dieux celtes.

Un point qui suscite également l’intérêt est celui du sort des animaux tués. L’ont-ils été pour leur viande, leur peau, pour servir d’offrandes aux dieux ou pour d’autres usages ?

Quel était le nombre de ces animaux et parmi eux combien d’animaux domestiques ? Pour quelles raisons ont-ils été abattus ? Jusqu’à présent, 211 bovins, 51 chevaux, 87 porcs, 31 moutons, 8 chiens et 17 chèvres ont été identifiés. D’où provenaient, par exemple, ces chevaux ? Et quelle était la part attribuée à la consommation sachant que la viande n’était pas la base de l’alimentation celte.

Que disent les objets sur la vie quotidienne, sociale, guerrière et religieuse ? D’où émanaient-ils ? Que nous apprennent-ils sur les échanges avec, par exemple, différentes tribus, la région méditerranéenne et d’autres parties de l’Europe ?

Les pièces de bronze et d’argent racontent également une histoire. Les monnaies celtiques étaient utilisées dans la région des Trois-Lacs – les lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat – et le Jura français, les monnaies romaines étaient principalement issues de la période du IIème siècle avant J.-C., qui coïncide avec la conquête romaine du sud de la France jusqu’à Genève (122-120 avant J.-C.) et la formation de la province de la Gaule narbonnaise (Provencia Gallia Narbonensis).

Conclusion

La colline du Mormont n’est pas seulement une carrière de calcaire industriel, mais aussi un trésor archéologique. Bien que les recherches entreprises soient encore relativement récentes, les premiers résultats confirment des recherches antérieures datant de la période de Hallstatt (800-450 av. J.-C., voir aussi le Welterbemuseum à Hallstatt, en Autriche) et de la période de La Tène (450-25 avant J.-C., voir aussi le Laténium, parc et musée d’archéologie, à Hauterive, canton de Neuchâtel, en Suisse).

Et la découverte inattendue de ce sanctuaire majeur de l’époque celtique permet une nouvelle approche des pratiques religieuses des Helvètes grâce à l’étude des 200 fosses.

(Source : C. Brunetti, G. Kaenel, P. Méniel, (ed.), « Les Helvètes au Mormont » in Archéothéma. Histoire et archéologie, hors série 7, avril 2014 ; W. Dusan (éd.), Le Mormont. Un sanctuaire des Helvètes en terre vaudoise vers 100 avant J.-C., Lausanne 2009).

Rédaction et révision: Marianne Wyss, écrivain public et traductrice.