All cantons are equal, Parliament Bern. Photo: TES.

La Suisse romande

Lors de l’exposition universelle de Séville en 1992, l’artiste suisse Ben Vautier pensait qu’il devait dire « La Suisse n’existe pas ».

Cette perspective n’était bien sûr pas fondée sur le plan historique, mais visait avant tout à dénigrer le « Petit Etat » suisse (Kleinstaat Die Schweiz).

La Suisse romande

La Suisse romande se compose de six cantons : Fribourg (Freiburg), Vaud (Waadt), Genève (Genf), Valais (Wallis), Neuchâtel (Neuenburg), Jura.

Une question légitime se pose cependant : existe-t-il une Romandie ou une Suisse romande ? Sur le plan linguistique, la Suisse romande est une création du XIXème siècle, utilisée pour la première fois en 1837 par la Société d’histoire de la Suisse romande.

Le terme Romandie est originaire de l’Interbellum (1918-1939) et est principalement utilisé en Suisse alémanique.

Le fait, que pendant la Première Guerre mondiale, la Suisse romande sympathisa avec la France et la Suisse alémanique avec l’Allemagne suscita un vif émoi.

L’identité

Durant cette période, l’identité de la Suisse romande a été indéniablement renforcée. Ainsi, l’Orchestre de la Suisse Romande fut fondé en 1918, l’essor des médias (journaux, radio, puis télévision) renforça ce processus et la Suisse romande devint de plus en plus institutionnalisée, ce qui créa une identité commune.

Cette identité s’est manifestée, par exemple, dans la lutte menée par les habitants francophones du Jura pour devenir un canton francophone indépendant après 1945, ce qui est d’ailleurs le cas depuis 1979.

Une solidarité suisse romande a émergé afin de permettre au Jura de se séparer du canton germanophone de Berne.

Röstigraben

On appelle aussi Röstigraben, la frontière virtuelle géographique, qui se ressent également dans d’autres domaines (politique, culture) entre la région romande, francophone, et la région alémanique, germanophone.

Mais en même temps, il est apparu que cette unité et cette solidarité romandes n’étaient pas si évidentes et même plutôt fragiles.

Le Jura 

Un certain nombre de villages francophones ainsi que la ville de Moutier ont souhaité en 1979 rester dans le canton de Berne, plutôt que de faire partie du canton du Jura.

Et, le 18 juin 2017 à l’issue d’un référendum, les habitants de Moutier, francophones, ont décidé de quitter le canton alémanique de Berne pour rejoindre celui du Jura. Mais, le vote de Moutier a été entaché d’irrégularités, pourtant il avait été le scrutin le plus surveillé de l’histoire suisse. Ainsi, ce vote sur l’appartenance cantonale de Moutier a été invalidé.

Il a donc fallu revoter. Et, le 28 mars 2021 la majorité de la population de Moutier a demandé le transfert de la commune du canton de Berne dans le canton du Jura par 2067 voix contre 1930. Moutier quittera donc le canton de Berne pour rejoindre celui du Jura et l’objectif est de réaliser ce transfert au plus tard le 1er janvier 2026. L’enjeu du vote montre à quel point le sentiment d’appartenance des francophones au Jura est fort.

Les différences

Les différences historiques, religieuses et économiques entre la Suisse romande et la Suisse alémanique sont considérables. Les premières complications émanent du bilinguisme de Fribourg (la ville de Fribourg était encore germanophone au XIIème siècle) et du Valais.

Bien que la religion joue aujourd’hui un rôle moins important, la frontière religieuse entre catholiques et protestants traversent parfois les cantons. De plus, la situation économique diffère d’un canton à l’autre et, historiquement, les cantons n’ont pas grand-chose en commun.

Genève

Au Moyen Age, l’histoire du comté souverain de Genève fut principalement axée sur l’exclusion de la Savoie ou la conquête du Chablais, de Gex et du Faucigny, le désaccord entre l’évêque de Genève et le conseil municipal, surtout après la Réforme.

Neuchâtel

Neuchâtel était traditionnellement un comté souverain, puis longtemps en mains d’une dynastie allemande (1395-1504), puis d’une dynastie française (1504-1706) et en 1707, la principauté de Neuchâtel est devenue propriété personnelle du roi de Prusse.

Vaud

Le canton de Vaud n’a jamais été une région indépendante jusqu’en 1798. Il a d’abord été gouverné par la Savoie, puis de 1536 à 1798 par Berne (protestante) et Fribourg (catholique), d’où le patchwork des langues et religions.

Valais (voir Swiss Spectator 26.10.2020)

1848

Jusqu’en 1848, la Suisse romande n’était pas une unité culturelle, mais une unité linguistique. Même légalement ou dans la Constitution fédérale, il n’a jamais été fait mention de la Suisse romande, mais l’identité était, comme dans toute la Suisse, d’abord issue du canton, puis de la Confédération à partir de 1848.

2022

Mais aujourd’hui, la Suisse romande a incontestablement une identité qui lui est propre – il existe même un Tour de Romandie, course cycliste à étapes – et cela plus en raison du rôle des médias (modernes) qu’en raison de racines historiques, religieuses, économiques ou sociales communes.

(Source : C. Meuwly e.a. (Red.), Histoire vaudoise, Lausanne 2015), F. Walter, Une histoire suisse, Neuchâtel, 2016).

Rédaction et révision: Marianne Wyss, écrivain public et traductrice.